par Gilles, Mercredi le 10 Septembre 2008 – 14:45
La SQ a ouvert une enquête sur une mystérieuse secte satanique en Estrie
Source : La Presse (Canada), par Marie-Claude Lortie
« Je suis née dans une secte satanique. Dans une famille où tous les membres devaient adorer Satan, lui porter un amour inconditionnel, tout faire pour lui obéir. J’ai subi des sévices dès l’âge de trois ans et demi, j’ai été torturée, martyrisée, violée.
J’ai vu des sacrifices d’animaux, mais aussi des sacrifices humains… », affirme Manon sur un ton solennel.
Assis dans la cuisine d’une petite maison en Estrie, Luc Grégoire, un enquêteur de l’escouade des crimes majeurs de la Sûreté du Québec, laisse échapper un grand soupir. Ce n’est pas la première fois qu’il entend cette femme de 28 ans lui parler de messes noires, viols, sévices corporels et sacrifices. Il a entendu aussi le témoignage de plusieurs autres personnes sur ces macabres sujets.
L’affaire lui semble très sérieuse. « J’ai cinq personnes qui me racontent des affaires semblables », dit-il. Manon vit en Estrie, dans un lieu qu’elle veut garder secret, même si elle dit ne pas avoir peur des représailles de cette secte satanique qu’elle a quittée il y a cinq ans.
« Il n’y a rien qu’ils puissent me faire qui soit pire que ce que j’ai vécu », dit-elle. Pire qu’être enfermée pendant une messe noire dans un cercueil et enterrée vivante durant de très longues minutes, pire qu’être violée par plusieurs hommes, pire qu’être suspendue par les pieds au-dessus d’un trou rempli de couleuvres noires, pire que de voir des gens torturés ou d’avoir à boire le sang et manger la chair des créatures sacrifiées.
« La plupart des atrocités n’ont été épargnées à aucune jeune femme de la secte », explique une autre ex-membre qui refuse elle aussi d’être nommée mais qu’on appellera Josée, plus réticente à raconter son histoire publiquement. « Mais celles que Manon a subies sont pires, explique Josée, parce que Manon avait un rôle spécial dans la secte ».
D’après Manon, cette secte satanique existe depuis des décennies au Québec. Sa mère était impliquée bien avant que Manon ne naisse, ayant elle-même été entraînée par sa propre mère.
« C’est un culte, explique-t-elle, qui se transmet par le sang. Et c’est avec leur sang aussi que les adeptes doivent signer le pacte obligatoire avant l’entrée à toute messe noire, pacte par lequel ils s’engagent à ne jamais rien dire de ce qu’ils ont vu ou entendu durant les cérémonies. »
« À chaque pleine lune, explique Manon, des dizaines de personnes s’entassent dans des sous-sols, à la campagne, et assistent à des rituels dirigés par des prêtres sataniques vêtus de capes de satin noir, la tête couverte par de grands capuchons.
Selon elle, les adeptes sont nombreux. Les messes noires habituelles, au Québec, réunissaient généralement une centaine de personnes », dit-elle.
Souvent les messes noires avaient lieu ailleurs que dans sa région. Son clan se déplaçait beaucoup pour les cérémonies et elle se rappelle une célébration de 500 personnes, au Québec.
Manon ne peut pas dire si toutes les personnes participant aux messes noires étaient tous des adeptes convaincus de Lucifer. « Je suis sûre que beaucoup de gens devaient être là simplement par voyeurisme, pour le sensationnalisme, et pour profiter des orgies sexuelles qui avaient lieu après les messes noires », affirme la jeune femme.
Quand elles ont décidé de s’en sortir, Manon et Josée ont eu de la difficulté à convaincre les autorités religieuses et policières de leur région de les prendre au sérieux. On trouvait leur histoire trop farfelue et personne ne voulait croire que leurs parents puissent être coupables de choses pareilles. D’après elles, tous les adeptes mènent parfaitement une double vie. Plusieurs le réussissent en habitant à la campagne, « très loin des voisins ».
Les deux jeunes femmes affirment avoir été forcées de se prostituer, sort qui était réservé à toutes les jeunes filles membres de la secte. Des viols avaient lieu durant les cérémonies, ajoute l’autre jeune femme, mais ça continuait à la maison aussi.
Si Manon s’en est finalement sortie, c’est beaucoup grâce à l’intervention d’un prêtre, Guy Giroux, des Frères du Sacré-Cœur à Bromptonville. Celui-ci dit l’avoir aidée, par la prière, à se « libérer » de ce qu’elle avait vécu.
Le frère Giroux croit que Manon était effectivement aux prises avec le démon, même s’il admet que ces questions de possession ont toujours un fort élément « psychologique ».